(ou quand s'entrechoquent aménagement du territoire, urbanisme, droit civil, instances administratives, politiques et judiciaires...)
Au vu des derniers événements dans ce dossier (prémisses d’une action en “Bornage”), il me semble essentiel de recentrer le débat sur la nature des zones géographiques concernées et sur les implications en Droit Civil.
Le promoteur étant “bloqué” par les instances administratives au stade précoce de la création de nouvelles voiries (décision de refus du Conseil Communal et ensuite rejet de son recours par le Gouvernement Wallon), il tente désormais de porter le débat devant les instances judiciaires par le biais d’une possible action en bornage à l’encontre d’un des riverains dont la propriété jouxte le pied du fameux Chemin du Hestroy, chemin qui constituerait l’entrée principale de cet important projet de lotissement.
Nous allons quitter quelques temps les sphères politiques et administratives pour étudier les éventuelles suites judiciaires (civiles) de ce dossier...
Dans ce cadre strict, il conviendra de revenir aux bases du Droit Civil et de se poser les questions originelles plutôt que de comparer plans, découpes, calques, études ...
Dans le cas d'espèce, le promoteur calque la voirie d’entrée vers son lotissement sur le tracé même du Chemin du Hestroy (qu’il entend “élargir” pour les raisons maintes fois évoquée).
Le statut "juridico-foncier" du Chemin de Hestroy est peu clair. Toutes les versions ont été entendues à ce sujet, la dernière en date (fournie à titre de motivation du refus d'une interpellation communale sur le sujet) étant que le Chemin de Hestroy est un "chemin innomé" (voir plus loin). Par contre, le sentier 43.12 qui constitue la limite arrière de la parcelle visée par la procédure de bornage est quant à lui toujours bien repris à l'Atlas Wallon des sentiers et chemins vicinaux.
Sa nature de “chemin vicinal” ne semble pas avoir été modifiée depuis la création de cet Atlas qui remonte quand même à 1841, soit immédiatement après la rédaction du Code Civil “Napoléonien” et 11 ans après la création la Belgique ....
La nature de ce chemin aura toute son importance dans la courte étude qui suit.
La question à se poser est évidemment : comment, une personne privée (en l’occurrence le promoteur la SA FECHERES) peut-elle en revendiquer la propriété d'un bien relevant du domaine public pour ensuite tenter d'imposer aux riverains concernés (propriété Mirgaux et Buschen), une action en bornage ???
Pour rappel, l’action en bornage impose diverses conditions.
A Bruxelles et en Belgique, le droit de bornage suppose la réunion de trois conditions cumulatives :
Contiguïté des terrains
Absence de délimitation antérieure
Qualité du demandeur
La contiguïté : les terrains concernés doivent se toucher directement. S’ils sont déjà séparés naturellement par un cours d’eau, un chemin public ou une voie ferrée, le bornage ne peut pas être engagé.
Les terrains doivent être des propriétés privées. (en effet, la procédure n’est pas la même si l’autre propriété est du domaine public).
En conséquence, il y a deux éléments incontournables :
Le demandeur d’une action en bornage doit être propriétaire de l’une des parcelles contiguës (qualité du demandeur)
La parcelle du demandeur doit être une propriété privée.
Comment, dès lors, un promoteur (personne privée) peut-il arguer de son droit de propriété sur une parcelle encore reprise à ce jour dans l’Atlas des Chemins Vicinaux et qui relève du domaine public ?
Poser la question semble apporter une réponse qui ne paraît pas être (a priori) en faveur du promoteur...
Deux cas sont à distinguer :
1. La voirie est reprise à l’Atlas des chemins vicinaux. La suppression d’un chemin vicinal, que ce soit sur base de la prescription ou pour donner suite à la demande d’un particulier comme également à l’initiative de la commune, doit faire l’objet d’une procédure. Celle-ci prévoit l’enquête publique, la délibération du Conseil communal transmise au Collège provincial et décision de ce dernier affichée dans la commune durant 8 jours. Dès l’affichage, un recours (suspensif) est possible dans un délai de 15 jours, recours au roi qui doit être transmis au Gouverneur de province.
2. La voirie n’est pas reprise à l’atlas mais bénéficie d’une servitude de passage. Il s’agit alors d’une voirie innommée. En pareil cas, il doit y avoir enquête préalable puis délibération et décision du Conseil communal. Là, s’arrête la procédure.
On notera donc qu’en matière de voirie vicinale la Commune donne avis au Collège provincial qui décide, tandis que pour les voies innommées la Commune dispose du pouvoir de décision.
Dans le cas présent, il faut donc examiner si le Chemin du Hestroy et le sentier 43.12 ont fait l’objet de la procédure nécessaire à leur déclassement ou à la suppression de leur qualité de chemin vicinal.
Selon les éléments en notre possession à ce jour rien n’est venu modifier la nature de chemin ni sa qualité juridique (depuis 1841 !). Il faut donc bien constater l’absence de toute décision administrative qui aurait pu changer leur nature.
Comment, dès lors, un promoteur (après une étude “sérieuse”) peut-il envisager de construire une voirie sur le domaine public (un chemin vicinal) sans avoir pris la précaution ou effectué les démarches administratives préalables ? (Rappelons que la décision d’une éventuelle modification relève des autorités publiques).
Encore une fois, il nous apparait que le promoteur envisage les choses de manière plutôt chaotique et en tous les cas sans aucune précaution ni logique.
Force est donc de constater que le promoteur en question semble vouloir construire son habitation en commençant par le toit avant les fondations ou acheter ses chaussures sans connaître sa pointure...
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